Le grand écart des marques.
Sollicité de toutes parts, croisant plus de 3000 marques chaque jour et d’une capacité de mémorisation limitée à quatre par secteur, notre cerveau occidental est de moins en moins disponible. En outre, de même que l’on rejette l’autorité du père, ne cherchons-nous pas à tuer les marques pour nous émanciper de leur emprise? Il n’y a pas que les altermondialistes qui prônent l’allègement. La propriété est out. A quoi bon stocker des biens, les entretenir, les protéger, alors qu’on peut en disposer quand on veut en les louant ? Sur Internet, le téléchargement de contenu laisse peu à peu la place au streaming (diffusion en continu) pour consommer de l’audiovisuel. Le partage de livres sur les bancs publics au hasard ou dans des cabanes à livres (Les Little Free Library), le recyclage, la customisation ou l’emprunt de vêtements dans des vêtithèques, les foires au gratuit (en Argentine), le retour à la simplicité en architecture et design sont autant de signes d’une tendance à la déconsommation. Dans ce contexte, survivre, pour les marques, « c’est créer les conditions d’une relation réévaluée avec leurs publics. C’est le sens de ce qui se construit grâce ou à cause des nouveaux dispositifs digitaux. (…) Aimé, partagé, ce nouveau visage des marques doit afficher les traits de la vérité et d’une transparence raisonnée. » (Ecce Logo.) Et pendant que nous nous efforçons de vider nos placards et de nous alléger la vie, les classes moyennes des pays émergents, en spectaculaire croissance, montrent un insatiable appétit après 50 ans d’abstinence consumériste. Situation insolite pour les marques: Comment répondre à ceux qui exigent utilité et vertu et en même temps à ceux qui attendent festin et ivresse ?